Une crise sanitaire qui fait émerger des dynamiques et des compétences

L’ensemble de nos partenaires français impliqués dans le projet CETAL ; le Secours Populaire de Frontignan, le Secours Catholique de Vauvert et de Montpellier, le réseaux Cocagne et le Lieu Ressources de Pézenas, partagent les mêmes constats concernant la crise sanitaire :

Une augmentation considérable du nombre de personnes accueillies par leurs structures et une dégradation de la situation des personnes en grande précarité, tant pour les conditions de vie (logement, accès à l’alimentation, fracture numérique…) que sur les souffrances liées à la santé mentale et la fragilité psychique au cours du confinement.

L’innovation des pratiques. Malgré la situation et les mesures de distanciation sociale, l’envie de venir à l’aide aux plus démunis à permis aux associations de s’adapter et de continuer leurs actions en trouvant d’autres modes d’organisation pour continuer la solidarité et de maintenir le lien.

Pour certains, de nouvelles pistes d’action ont mis à jour la question de l’alimentation et des produits frais ; des associations ou collectifs d’habitants se sont mobilisées autour de cette question alors que ce n’était pas leur pratique, ce qui a pu toucher de nouvelles personnes par : la mise en place des paniers solidaires, la mise en lien avec les agriculteurs locaux, des partenariats avec des magasins bio… L’alimentation de qualité, vue auparavant comme réservée à certaines personnes, a peut-être évoluée dans les représentations de tous.

L’importance de la coopération territoriale. Pendant la crise, de nouvelles coopérations et celles existantes se sont développées (avec les acteurs locaux, notamment entre les associations, avec des collectifs informels et parfois des acteurs sociaux du territoire ou des collectivités territoriales). On peut parler de deux dynamiques : associative et institutionnelle qui se sont complétées parce qu’elles intervenaient avec des réactivités différentes : tout en maintenant des mobilisations et des demandes urgentes, de répondre aussi aux besoins sociaux sur du plus long terme.

– De nouveaux modes de coopération avec les personnes en difficulté et la mise en lien avec des familles non repérées jusqu’au maintenant. Le démarche « d’aller vers » a permis un autre type de relations entre les bénévoles et les personnes accueillis et d’imaginer d’autres modes de fonctionnement. Par la mise en place des paniers solidaires avec la participation des personnes en difficulté, des partages des recettes, des conseils cuisine par téléphone, des chèques services afin de permettre aux personnes d’aller faire leurs courses dans les magasins, …

La mobilisation des citoyens. Beaucoup de bénévoles habituels considérés comme « population à risque » ne pouvait plus continuer à faire du bénévolat. De nouveaux bénévoles (notamment des jeunes retraités et des étudiants) sont venus renforcer les bénévoles des associations qui se sont impliqués davantage, avec le sentiment d’agir en commun : « tout le monde va dans le même sens ».

 

Dans ce contexte où toutes les autres actions (les ateliers collectifs) se sont arrêtées, il est opportun de se questionner sur le travail autour des compétences qui permettent l’émancipation sur les questions d’alimentation. Pour cela lors de notre réunion, nous avons échangé autour de la question : « Est-ce que la crise a révélée de nouvelles compétences ou des envies nouvelles d’agir ? ». Les échanges ont permis de constater les points suivants :

– Le changement des pratiques suite à la réorganisation d’activité et les nouveaux modes d’organisation ont permis de révéler de nouvelles compétences des bénévoles (en terme d’organisation, de maîtrise ou de développement de la compétence informatique, de connaissance du territoire avec de nouveaux producteurs…),

– La prise de conscience sur les conditions de logement des personnes accompagnés : « Le fait d’aller à domicile, cela m’a permis de voir comment vivait les personnes ». Ce « aller-vers » a donc permis à certains bénévoles de se rapprocher des personnes en situation de précarité, de mieux connaître leurs contextes de vie.

– La prise de conscience sur l’importance d’inclure la question d’accès d’alimentation de qualité des personnes les plus démunies dans un contexte plus global, avoir des produits frais est devenu important pour tous. Des bénévoles veulent désormais travailler cette question dans un plan territorial d’alimentation.

– L’importance de trouver de nouveaux leviers pour lutter contre la solitude et l’isolement des personnes : « Il a fallu inventer au fur et à mesure des moyens pour maintenir le lien fragile qui relie les plus vulnérables au monde ».

– Le partage des compétences pour être acteur de solidarité : atelier couture pour fabriquer des masques, jardinage dans le jardin collectif, livraison…

– La nécessité de travailler la question de la citoyenneté au-delà de l’aide alimentaire ; « Nous avons pensé qu’en plus de l’aide alimentaire, nous aurions besoin de soutien pour animer, créer, marcher, ouvrir des perspectives, émanciper ».

Il faudra tenir compte de ces enseignements pour déployer les futurs ateliers car les dynamiques engagées semblent laisser davantage de place pour les personnes en situation de précarité, notamment vers la reconnaissance de leur droit à l’alimentation.