Un projet qui évolue au gré de la crise mais à son avantage

Compte-tenu du contexte sanitaire et des enseignements des premiers ateliers, nous avons proposé une évolution de la démarche initiale. Cette note propose un support à la réflexion collective et a été amendée suite aux retours des partenaires.

       I.            Ce qu’est le Magic 6

 

Le Magic 6 est une démarche méthodologique[1] qui propose de mettre en œuvre les étapes d’un parcours émancipateur vers l’action : ces étapes permettent de structurer la réflexion et l’action et d’avancer progressivement de la prise de conscience à l’action jusqu’à l’évaluation de l’action. C’est en réfléchissant collectivement pour  l’action, que les personnes développent leurs capacités d’analyse des situations et peuvent ainsi développer leur capacité à être acteur et auteur de leur environnement et des questions qui les préoccupent tout en se détachant des places assignées par la société, le genre… Ce faisant, les actions transforment durablement le contexte global. Pour mémoire, les 6 étapes initiales du Magic 6 étaient les suivantes :

  1. Réfléchir sur les préoccupations / enjeux
  2. Choisir
  3. Apprendre et développer la compréhension du sujet en apprenant des autres (propre groupe, d’autres pairs, acteurs du terrain, scientifiques…)
  4. Analyser l’apprentissage et mettre en place un plan d’action pour le changement voulu
  5. Agir pour le changement : mettre en place l’action
  6. Partager pour une meilleure compréhension et évaluer – Tirer des enseignements de l’action par l’échange et l’apprentissage (vers de nouvelles actions…)

 

Expérimenter ces 6 étapes une première fois, puis reproduire ce cheminement, permet d’ancrer, par la répétition la démarche intellectuelle et pratique. La théorie est formelle, mais l’expérience de terrain nous montre l’importance de nous adapter aux réalités concrètes dans l’objectif d’être pertinents, efficaces et s’assurer que la méthodologie peut se déployer dans des contextes différents, notamment ceux auxquels nous n’aurons pas pensé.

    II.            Le contexte sanitaire et ses enseignements

 

Le contexte sanitaire rend difficile la mise en œuvre des deux boucles de 6 ateliers (donc, 12 ateliers au total) initialement prévues. Les difficultés à se réunir pour organiser les ateliers et les priorités des bénévoles face aux urgences sociales, nous invitent à réfléchir autrement la mise en œuvre du projet, sans modifier ses objectifs généraux qui sont pour mémoire[2] :

– Augmenter les compétences et les connaissances des personnes en situation de précarité sur leur autonomie/émancipation en termes d’alimentation (capacité à poser un diagnostic, compréhension des enjeux, capacité à se repérer dans le temps, à aller chercher de l’information…), (en référence aux compétences clés : sociales et civiques de youthpass), et plus spécifiquement les femmes,

– Augmenter les compétences des bénévoles, pour un accompagnement émancipateur et en tant qu’acteur à part entière de la transition,

– Mesurer et rendre visible / valoriser l’acquisition de compétences transversales pour les personnes en situation de précarité dont les femmes (reconnaissance sociale),

– Favoriser l’appropriation par les personnes concernées de ces initiatives,

– Augmenter l’inclusion dans un territoire et par ce biais, la participation à l’élaboration de projets politiques sur l’alimentation.

 

Plusieurs questionnements, au-delà de la possibilité ou non de se réunir, apparaissent et nécessitent de repenser la méthodologie :

  • Comment prendre en compte les points de départ différents des groupes ? Certains ont déjà des projets. Le travail des compétences avec le Magic 6 vient se « rajouter » à ce qu’ils ont prévu, d’autres partent de feuilles blanches ; certains groupes se connaissent, ce qui facilite la confiance dans le groupe et envers l’animateur, d’autres non.
  • Comment fait-on groupe sans que le groupe ne soit réuni ? Certains groupes ne peuvent pas se réunir, d’autres ne se réunissent pas tous en même temps, des personnes ne viennent qu’une fois, d’autres occasionnellement. En effet, si on imagine adapter des activités avec le contexte,  mettre en commun des choses, des idées, ne fait pas forcément dynamique groupe, ne crée pas forcément un sentiment d’appartenance, comment dépasse-t-on cette difficulté ?
  • Comment observe-t-on et valorise-t-on les compétences lorsque les personnes ne viennent pas aux ateliers du projet mais sont présents à d’autres temps : comment se saisit-on de ces temps pour observer et accompagner le développement des compétences émancipatrices ?
  • Comment appréhende-t-on l’écart existant entre des volontés d’accompagnement vers l’autonomie alimentaire, et l’émancipation, ce qui suppose deux démarches et finalités différentes?
  • Comment proposer une méthodologie qui tienne compte de la diversité des participants ? L’accessibilité en terme de langue (certains ne parlent pas la langue majoritaire), l’accessibilité genrée (ceux qui sont les moins actifs dans ces processus-là sont davantage des hommes)… .
  • Comment proposer un programme dont puissent se saisir des animateurs aux profils variés, dont certains sont en demande d’un programme « clé en main » avec un déroulé précis, d’autres, davantage autonomes, d’une structure minimale explicitant davantage les objectifs à atteindre que les activités à mener ?

 

Ces questionnements nous donnent des indications sur la manière de faire évoluer les propositions vers un cadre plus souple, et qui compose des variantes. Ainsi, il pourrait être envisagé qu’il y ait une version complète et une version allégée de la démarche, tout en maintenant nos objectifs.

  III.            L’évolution du Magic 6 – vers le Magic 8 ?

Considérant le contexte, les questionnements tels que décrits ci-dessus et le processus d’émancipation, il nous a semblé plus pertinent d’intégrer le plaidoyer, que nous imaginions initialement à l’issue des deux boucles, au Magic.

En effet,

  • produire un contenu politique,
  • développer une vision élargie, dans une optique de bien commun ou de justice sociale, et non se cantonner aux seules préoccupations du groupe,
  • identifier les contradictions, argumenter, sont autant d’éléments du processus d’émancipation.

Les partenaires proposent donc de faire évoluer le Magic 6 vers un Magic 8.

1, 2, 3, 4, 5. Pas de changements

  1. Penser le développement pour tous : il s’agit de penser de partager avec d’autres les idées, le bien commun et d’identifier les interlocuteurs qui permettent de produire des changements durables sur les enjeux traités,
  2. Défendre et partager ses idées : il s’agit là de produire un contenu politique et de le porter à connaissance du plus grand nombre et spécifiquement des interlocuteurs pertinents pour le changement.
  3. Evaluer et célébrer : la valorisation de l’action est le propre de l’évaluation : donner de la valeur à ce qui a été accomplie permet également de développer la reconnaissance, élément indispensable de l’émancipation.

 

Au-delà du nombre d’étapes qui doivent être intégrées à la démarche, et qui ne doivent pas être trop nombreuses, une partie du contenu des ateliers doit évoluer, notamment pour s’adapter aux différents contextes existants. Nous le travaillerons plus en détail après avoir reçu les évaluations de l’ensemble des partenaires.

[1] Expérimentée et développée dans le cadre d’un autre projet européen PEER : http://www.peeryouth.eu/

[2] Tels qu’écrits initialement dans le projet déposé.