De la puissance sociale à l’émancipation

Ce projet d’ouvrage a fait l’objet d’une démarche particulière. La question de l’émancipation a « surgit » de nos travaux auprès des collectivités territoriales ou des associations avec lesquelles nous travaillons. L’émancipation est apparue comme une finalité pour beaucoup. Cependant, nous avons ressenti la nécessité d’approfondir cette notion pour clarifier les paradigmes sous-jacents chez les acteurs concernés.

Pour ce faire, notre collectif s’est réuni de manière régulière pour travailler cette notion, à partir de nos propres travaux ou par des échanges avec des auteurs la questionnant. Ainsi, nous avons invité à nos séminaires des personnes qui ne sont pas membres du Leris comme : François Galichet, Philosophe, Philippe d’Iribarne, politologue, Pierre Zarka, politologue, Christian Maurel, sociologue.

L’ensemble de ces travaux nous conduits aujourd’hui à présenter un ouvrage cohérent clarifiant les finalités des projets politiques des collectivités ou des associations qui s’en saisirait, leur permettant de gagner en pertinence et en efficacité. Sa parution est imminente !

Présentation :

 

La participation des habitants, la parole donnée aux jeunes, l’« empowerment » (le développement du pouvoir d’agir), l’action communautaire, la démocratie participative, le design social… sont autant de modalités contemporaines de l’« agir social » qui se réclament d’une perspective citoyenne concrète. Fondamentalement, elles s’appuient toutes sur un des héritages de la Révolution française qui pose le principe universaliste de l’égale liberté de chaque être humain et la possibilité pour chaque citoyen de participer à la conduite de la Res publica. Mais cette perspective se heurte à la dure réalité d’une très grande inégalité de fait qui se traduit par de multiples formes de domination, d’aliénation, d’assujet

tissement, d’empêchement. Pour beaucoup, l’idée de pouvoir intervenir sur la conduite du monde, même modestement, en essayant de participer à la transformation, au quotidien, de son environnement le plus immédiat, reste au mieux, une utopie, au pire, un impensé.

Cette volonté explicite, dans toutes ces modalités d’innovation sociale, d’un accès pour tous à davantage de politique par la diversité des voies que nous avons évoquées — et par probablement bien d’autres – reste le plus souvent une injonction mal comprise, voire une illusion sans effet sur l’ordre des choses. Participer, s’impliquer, agir sur son environnement, tout cela suppose au préalable pour les acteurs de se concevoir comme un parmi d’autres égaux en droit, d’être conscient des éléments complexes qui interagissent et expliquent les situations souvent difficiles dans lesquelles on se débat, de se penser alors capable d’agir, seul et avec d’autres. Autant d’étapes dans des évolutions personnelles qui ne peuvent se gagner progressivement que par la confrontation organisée, individuelle et collective, à des situations problèmes qui seront travaillées pour être surmontées. Ce processus émancipateur, qui fait qu’à plusieurs et, bien souvent, avec un accompagnement ad hoc, on se découvre parcelle d’Humanité, pensante et agissante, est la condition de l’accès au politique.

L’émancipation aujourd’hui est au cœur de beaucoup de projets associatifs, de politiques publiques, de références institutionnelles, mais qu’en est-il réellement de leur perspective citoyenne ? Car si l’émancipation est souvent perçue comme « une évidence intuitive », elle est aussi vécue, plus ou moins consciemment, comme un risque. Celui de la subversion (au sens premier), c’est-à-dire celui de l’immaîtrisable bouleversement de l’ordre des choses. Mais inscrire au programme l’égal accès des citoyens au politique, c’est inévitablement oser l’émancipation.